J'ai
voulu descendre dans la plaine
Voir
Le
vaste champ et l'or du blé
J'ai
voulu savoir
Comment
Comment
Comment
ce désert peut-il être plein
Comment
mille et mille voix
Peuvent
s'y entasser
Et
se prétendre riches
Avec
une seule plante
Un
seul horizon
Alors
je me suis rapproché
Enfant
sylvestre malhabile
Un
pied dans l'ombre
Le
regard au soleil
Et
j'ai reçu des pierres
Sans
colère, comme un réflexe
L'ombre
qui bouge agace l’œil
Excite
l'instinct
Alors
je suis sorti
J'ai
quitté ma forêt
Et
le soleil m'a brûlé
Lentement
J'ai
construit une cage pour mon lion
Fait
tourné ma chouette diurne
Et
mon singe enchaîné
Engraisse
sur mon épaule
Quand
ils sont venus avec leur scies
Je
les ai laissé tailler
mon arbre
Par
peur qu'on ne le coupe
J'ai
voulu descendre dans la plaine
Et
faire le blé, être blé
Le
blé nombreux, dense, chaud
Pleins
de rats, de chats et de faucons
Mais
je n'ose plus pousser
Faire
branche, racine
Glands
et ombres
douces
Qu'est-ce
que je fais là
Moi,
l'habitant des forêts
Dans
ce champs de blé
Ce
désert d'or mal habité ?
J’apprends
à semer
En
gardant les rangs
Et
à récolter
Pour
la moisson commune
-
alors que je veux faire pousser les bois -
Homme
futile, sauvage fou
Attiré
par l'odeur du pain
Et
le feu du ciel ouvert
Qui
me brûle agréablement
Jusqu'aux
os
Le
fumet du four me fait tenir
La
bave aux lèvres
Et
les rayons du soleil
Sont
une rengaine abrutissante
Pour
ne pas voir luire les cravaches
Je
baisse les yeux
Ne
pas m'emporter -surtout ne pas crier -
Contre
les hommes debout
Alors
du coin de l’œil
Je
lorgne le four
Au
loin, au centre
Et
ses flammes dansantes
Magie,
hypnose, désir inassouvi
Monstre
vorace
Nourri
de ma forêt et de nos cendres
Ce
que je récolte
Le
feu transforme
Et
nous nourrit
Mais
je maigrit
Alors
je rêve de ma torche
De
mon brandon
Je
rêve de les contourner
Ces
arrogants aux
dos droits
Et
de leur montrer
-moi !-
La
force de mon feu
De
mon petit feu follet
Étincelle
libre – ha !
Je
suis un bouffon trop sérieux
Prométhée
auto-proclamé
Qui
ne peut même pas transmettre la flamme
Accueilli
à coup de pierres
A
coup de terre
Je
vois dans leurs yeux
Brûler
la flamme haineuse
Le
reflet de leur honte rageuse
Et
le brasier de leurs peurs
Et
si je mettais le feu à la plaine ?
Par
vengeance
Folie
Inadvertance ?
Et
pourquoi
Pourquoi ?
Pourquoi je
ne veux pas de leur four ?
Merveille
qui les nourrit
Rempart
contre l'ombre même
Du
souvenir de la forêt
Chaleur
bienveillante qui recueille
Leur
sueur quotidienne
Et
leur dernier souffle
Leur
four ? Ha !
Alors
j'emporte ma torche
Dans
la nuit
Dans
le jour
Qui
l'aime la suive
Le
désert d'or est un labyrinthe
Et
je cherche la forêt
Je
cherche à voir la canopée
A
courir vers l'orée
Et
ma liberté