J'ai retrouvé le chemin des mots
Et plongé dans la mer
J'ai joué dans l'écume douce-amer
Qui sert le cœur tendrement

Aux sons de la mélancolie
Au rythme des complaintes
J'ai souri

mardi 8 mars 2016

L'arbre dans la plaine


J'ai voulu descendre dans la plaine
Voir
Le vaste champ et l'or du blé
J'ai voulu savoir
Comment
Comment
Comment ce désert peut-il être plein
Comment mille et mille voix
Peuvent s'y entasser
Et se prétendre riches
Avec une seule plante
Un seul horizon

Alors je me suis rapproché
Enfant sylvestre malhabile
Un pied dans l'ombre
Le regard au soleil
Et j'ai reçu des pierres
Sans colère, comme un réflexe
L'ombre qui bouge agace l’œil
Excite l'instinct

Alors je suis sorti
J'ai quitté ma forêt
Et le soleil m'a brûlé
Lentement
J'ai construit une cage pour mon lion
Fait tourné ma chouette diurne
Et mon singe enchaîné
Engraisse sur mon épaule
Quand ils sont venus avec leur scies
Je les ai laissé tailler mon arbre
Par peur qu'on ne le coupe

J'ai voulu descendre dans la plaine
Et faire le blé, être blé
Le blé nombreux, dense, chaud
Pleins de rats, de chats et de faucons
Mais je n'ose plus pousser
Faire branche, racine
Glands et ombres douces

Qu'est-ce que je fais là
Moi, l'habitant des forêts
Dans ce champs de blé
Ce désert d'or mal habité ?
J’apprends à semer
En gardant les rangs
Et à récolter
Pour la moisson commune
- alors que je veux faire pousser les bois -
Homme futile, sauvage fou
Attiré par l'odeur du pain
Et le feu du ciel ouvert
Qui me brûle agréablement
Jusqu'aux os

Le fumet du four me fait tenir
La bave aux lèvres
Et les rayons du soleil
Sont une rengaine abrutissante
Pour ne pas voir luire les cravaches
Je baisse les yeux
Ne pas m'emporter -surtout ne pas crier -
Contre les hommes debout
Alors du coin de l’œil
Je lorgne le four
Au loin, au centre
Et ses flammes dansantes
Magie, hypnose, désir inassouvi
Monstre vorace
Nourri de ma forêt et de nos cendres
Ce que je récolte
Le feu transforme
Et nous nourrit
Mais je maigrit

Alors je rêve de ma torche
De mon brandon
Je rêve de les contourner
Ces arrogants aux dos droits
Et de leur montrer
-moi !-
La force de mon feu
De mon petit feu follet
Étincelle libre – ha !
Je suis un bouffon trop sérieux
Prométhée auto-proclamé
Qui ne peut même pas transmettre la flamme
Accueilli à coup de pierres
A coup de terre
Je vois dans leurs yeux
Brûler la flamme haineuse
Le reflet de leur honte rageuse
Et le brasier de leurs peurs
Et si je mettais le feu à la plaine ?
Par vengeance
Folie
Inadvertance ?
Et pourquoi
Pourquoi ?
Pourquoi je ne veux pas de leur four ?
Merveille qui les nourrit
Rempart contre l'ombre même
Du souvenir de la forêt
Chaleur bienveillante qui recueille
Leur sueur quotidienne
Et leur dernier souffle
Leur four ? Ha !
Alors j'emporte ma torche
Dans la nuit
Dans le jour
Qui l'aime la suive

Le désert d'or est un labyrinthe
Et je cherche la forêt
Je cherche à voir la canopée
A courir vers l'orée
Et ma liberté

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