J'ai retrouvé le chemin des mots
Et plongé dans la mer
J'ai joué dans l'écume douce-amer
Qui sert le cœur tendrement

Aux sons de la mélancolie
Au rythme des complaintes
J'ai souri

mardi 27 mars 2018

Une gare bolivienne

Dans une gare bolivienne
On clame les destinations
On vend les villes à la criée
Empressement sans convictions
Qui rythme l'attente

Entre quatre corniauds
Un jardinet entretenu par un vieil édenté
Vaguement protégé
Par quelques mètres de grillage

Les taxis sont ici l'antichambre
Des bus à demi-lit
Et les agence exhibent leurs pancartes
Aussi criardes que leurs rabateurs

Sous les derniers nuages
De la saison des pluies
On vend de tout
Mais surtout à manger
A la sauvette ou en boutique

Enfin derrière nous la rue
Où chante un sifflet de police
Est la rivière de bitume et de gaz
Qui alimente les voyages au rabais

La cité de pierre

Il y a quelques éons
Des êtres de lave et de lenteur
Figés
Erigèrent cette cité sans noms
Ni plans ni ambitions

Aujourd'hui cs murs
Que nul maçon n'a monté
Ces tours
Que nul guetteur n'a veillé
Ce cirque
Que n'anima aucun théâtre
Aucune assemblée
Et ces statues colossales et surréelles
Qu'aucun sculpteur n'a rêvé

Sont la demeure des fourmis
Et des viscachas
Malgré les invasions barbares
Photos
Drones
Et pots d'échappement

Les crêtes

A l'appel de la crêtes
Quel cœur ne bat pas
Pleins d'espoirs et d'envies
Quel esprit ne rêve pas
Réussite
Défi
Merveille

Mais la crête est trompeuse
La crête est fuyante
Elle en cache d'autres
Et le bout du chemin
Se fait désirer
Tournant après tournant
Derrière chaque rocher
Après chaque souffle court
Elle nous appelle toujours plus loin
Plus haut haut
Plus dangereusement
Comment s'arrêter ?

Barrant l'horizon des hauts plateaux
Elle donne à Sayarama
"Celle Qui Est Seule"
Une air de bout du monde
Une promesse de chute sans fin
Et fait d'un canyon inca
Un labyrinthe à une voie

Enfin à l'improviste
Elle nous libère du désert
Révèle une vallée verte de mousse
Aux ruisseaux emmêlés
Où paissent les llamas décorés
Et mon esprit soupire
Soulagé
Mesure enfin la promesse de mort
Des champs de roche, de sable
Et d'herbe sèche

Là où rêvent les pierres

Quand sur la Terre vint la Vie
La Terre déclara

J'élèverai des montagnes si hautes
Que je prendrai l'oxygène
Et la chaleur du soleil
J'atiserai des vents de sable
Qui déchireront même les rochers
Fendus par le gel
Je ferai des rivières
De pierres
De soufre
Et de poussière
L'eau
Je la garderai
Et je la salerai
Je ferai pousser
Des champs de rocs
Et des volcans
Que j'écraserai d'un coup de poing
Pour ne laisser que des labyrinthes de rocs

La Vie répondit
Je me ferait buisson rachitique
Mousse dure
Et herbe sèche pour nourrir
Le lézard gris
Que nul ne verra
Le llama poilu et la vigogne
Sage et fine
Et dans les dédales de roches
Joueront les viscachas querelleurs
Dans tes lagunes salines
Bleues, blanches, rouges ou vertes
Ce seront d'improbables flamands
Et des mouettes criardes
Je serai aussi ténue que tenace
Et jusque sur tes sommets je planterai
L'opiniâtre para brava
Verte après la pluie
Jaune  sous le soleil
Brune face au gel
Et blanche dans la neige

Alors la Terre poussa plus haut
De nouveaux volcans fumants
Et de nouvelles montagnes
Courronées de blanc
Il lui fallut pousser
Quatre mille six cent mètres
Pour que la pierre
Le sable
Et la poussière
Puissent enfin rêver en paix
Et respirer des geysers

Et voilà que l'homme proclame
Je serai l'aventurier conquérant
Le prospecteur avide
Le touriste de masse
Et le rêveur abassourdi
Pour une poignée de photos je ferai
Des pistes insolentes
Des files
De cars et de voitures
Des milliers de kilomètres
Et des expéditions
Naines et triomphantes
Sur tes crânes blanchis

Mais la Terre ne répond pas
Et quand la poussière retombe derrière nos égos
Nous sommes passés à côté
De l’indicible rêve des pierres

La voiture

Dans la voitures
Deux allemands
Deux chiliens
Un guide bolivien
Et nous
Cabine absurde
Navette étrange
Sous l'arbre désodorisant
Aux couleurs étasuniennes
Résonnent reggaeton
Et musique des andes
Devant le chauffeur
Trône un dinosaure salé
La voiture est une bulle mesquine
Qui envahit montagnes et désert
Pour notre plaisir
Et nos contemplations

Les flamands

Entre les têtes eneignées
Et le corps pelé
Adoucis par le temps en lignes molles
Que ne renierait pas Dali
Quelques lagunes fragiles
Troublent le désert
Et accueille les flamands
De noir, de rose et de blanc

Etrange volatile
Longues pattes
Silhouettes frêles
Et bec lovés
Les danseurs qui marchent
Ornent ces oasis
D'eau, de sel et d'herbe sèche

Une halte

Au pied des reines blanches
Un champs de roches volcaniques
Que le temps, le vent, le sable
Et le ruissellement de l'eau
Ont fait labyrinthe jaune
Tacheté de vert
Et peuplé de faces étranges

Que vient faire l'homme ?
Une gargotte
Isolée et joyeuse
Où l'on grille du llama en saucisse
Où l'on plante un drapeau tout propre
Où l'on écrit avec des pierres
(Du haut d'un rocher
Nous jouons à Nazca)

Montagne zen

Ici la nature s'essaye au jardin zen
Avec des cailloux vérolés
Par le vent et la poussière
Sur le flanc des collines
L'érosion est le râteau géant
Pour tracer de larges bandes droites et minérales
Ailleurs les gravillons
En monticules se font socles
Pour de tenaces arbustes
Bien plus vieux que les bonzaïs

Enfin quand la pluie
Commet quelque flaque d'eau
Circulaires
Un îlot d'herbes folles s'y niche
Et l'oiseau discret vient y boire

Rien ne manque
Pas même le bidon abandonné

Le Salar

Le Salar après la pluie
Une étendue d'eau maigre
Pleine de nos egos
Photo par-ci
Photo par-là
Nos silhouettes dédoublées
Commercialisées
Oublient le lieu
Et ne retiennent que l'artifice

Tourne le regard

Voici des montagnes dans le ciel
Légères
Alors que nos pieds foulent
L'infime physique démente
Des cristaux de sel
- au loin l'horizon évaporé
mange la fin du monde-

Enfin respire
entre l'eau et le ciel
Derrière nos piaillements
La sérénité du courant
Qui emporte lentement
Tranquillement
Nos tongs vers l'horizon

jeudi 22 mars 2018

Un monstre plat

Le désert est un monstre plat
Plat et placide
Plus terrifiant que les montagnes qui le bordent
Ses lois sont autres
Et il nous engloutirait
Nous brûlerait de toutes parts
- en commençant parles yeux et la raison-
Sans y faire attention
Sans le remarquer

Ici la nature médite
Et refuse tout
Même l'eau
Même la chaleur
Même la marque de nos passages
Traces de pneus dérisoires
Insulte puérile qui ne change rien
Au fond
A l'aridité

Que faire du désert ?
Comment le comprendre
Le faire sien
Sans assécher
Nos rêves et nos espoirs

Seule la folie mène l'homme ici

Hier de l'eau pour des trains
Des trains pour du métal
Du métal pour du sang
Et de l'argent
Aujourd'hui quatre tondus
Le long d'une frontière absurde
D'un chemin de fer et de silence

Et ce chien noir
Dans la plaine blanche
Est un clown qui s'ignore
Le bouffon de notre farce

Dans le désert souffle un vent calme
Qui ne retient même pas
L'écho de nos paroles intimidées

Le lieu sans arbres

Dans le lieu sans arbres
Il n'est point de cachettes
Ni de secrets
Il n'y a que l'horizon

Au-delà de la plaine
Un trait
Net ou indistinct
Implacable
Qui ne le cède
Qu'aux lignes déchirées des montagnes escarpées

Ici règnent le vent et la poussière
Issue d'une terre ocre
Que défie le vert tenace et terne
De mousses opiniâtres et de plantes obtues
Epaisses et cassantes

Et quand tombe la pluie
Les rio salins mangent cette terre friable

Et rien ne pousse sur leurs berges
Tandis qu'ils dessinent dans leurs lits
Des poèmes indiscibles

Ailleurs la terre s'élève en de lentes collines
Aux lignes déchiquetées de rochers
Qui tiennent leurs assemblées immuables
Et silencieuses
Quelques cactus découpent les crêtes
Sentinelles timides
Attendant les étoiles

Où sont les vivants ?
Au bord de l'eau trois oiseau s'envolent
Noirs et furtifs
Et les vicognes dansent
Le long des routes poussiéreuses

Car l'homme grossier pause sa marque
Coupe l'immensité de voies et de pylônes
Mais ne s'attarde pas

Ici on ne fait que passer
On ne fait qu'admirer